Merci à tous d’être présents en ce 11 novembre pour cette cérémonie qui se veut plus que jamais respectueuse et vivante comme l’auraient sans nul doute souhaité nos aînés… Car, il y a un peu plus de 100 ans, ici même, le 11 juillet 1920, ils étaient aussi très nombreux pour inaugurer ce monument. Ce dimanche-là, les Pleudihennaises et Pleudihennais sont venus en masse pour rendre hommage aux parents disparus, aux enfants sacrifiés, aux amis perdus. Car, si la France a bien gagné cette guerre, notre pays avait laissé au combat beaucoup de ses forces vives. Nos villages de France étaient tous endeuillés. La tristesse s’ajoute alors à une condition de vie rurale déjà bien difficile. A Pleudihen, ils sont 110 à être tombés avec les honneurs, 110 qui manqueront à jamais à leur famille. C’est pour honorer la vaillance de ces disparus que ce monument est inauguré.
L’émotion est alors à son comble. Durant cette cérémonie, les pupilles de la Nation côtoient les « gueules cassées » et autres Poilus revenus de l’enfer. Chacun leur tour, orphelins et survivants vont alors déposer des bouquets et une gerbe de fleurs au pied de ce monument. Geste symbolique que nous reproduisons depuis avec ferveur chaque année. Oui, l’émotion devait être poignante pour ces familles éplorées et ces revenants qui lisaient les noms de leurs copains d’infortune.
Mon propre arrière grand-père, Jean Pépin, est parmi eux. Peut-être se remémore-t-il le moment, 6 ans auparavant, où il a entendu les premières notes du tocsin, prélude de la catastrophe qui arrivait. Voici ce qu’il écrira dans ses mémoires :
« Je revois encore ce samedi après-midi 1er août 1914. Il faisait une chaleur torride. On était en pleine moisson… Une moisson qui, en ce temps, se faisait encore à la faucille. Nous étions, Joseph Briand et moi, à couper du blé dans les « devants de la Guimardière » quand, du clocher de Pleudihen et de tous les clochers de France, s’égrenèrent les tristes notes du tocsin de la mobilisation. Ce n’était pas absolument une surprise. Depuis un certain temps, on parlait, dans les journaux, de la guerre possible, probable ? On en parlait mais on n’osait y croire. Cette fois, plus de doute, on y était. Joseph Briand jeta sa faucille au loin, comme s’il ne voulait plus la revoir, et il s’en alla. Il était marié depuis trois ans et son fils en avait deux. Il me semble que je me trouvais heureux d’être célibataire. Je m’en allais aussi de mon côté et me rendis au Bourg pour avoir quelques renseignements. A la mairie, je trouvais Joseph Colombel qui était secrétaire et un de mes meilleurs camarades. L’ordre de Mobilisation générale venait d’arriver. (…) Je devais me présenter le lundi 3 août à la caserne Du Guesclin à Dinan. Je passais une partie de la soirée avec Joseph Colombel, célibataire lui aussi. Et pourtant… Pourtant, il devait être un des premiers, sinon le premier Pleudihennais à tomber. »
6 ans après, le nom de son copain était gravé dans le granit, incrusté avec celui de tous les Pleudihennais morts pour défendre la Patrie. 100 ans plus tard, tous ces noms sont toujours là devant nous. D’autres héros les rejoindront par la suite au gré de nouveaux conflits. Ce 11 juillet 1920, nos aînés ne voulaient pas seulement rendre hommage à leurs proches. Par ce monument qu’ils ont financé par leur générosité, par ce bloc de granit qu’ils ont érigé au cœur de notre cité, plus que tout, ils souhaitaient que le souvenir de leur sacrifice leur survive.
Que les générations futures se remémorent le sens du devoir et l’impérieuse nécessité de défendre la Patrie. La Patrie, notre mère patrie, cette terre que nous partageons, cette histoire que nous assumons et ces valeurs communes que nous défendons. Un héritage que nous devons transmettre. Un souvenir que nous devons entretenir pour nous rappeler combien la paix est précieuse, mais aussi, combien elle est exigeante et nécessite du courage.
En 2021, nous sommes bien là, à notre tour, pour leur rendre hommage et ne pas oublier. Ne pas oublier que la France est une grande nation qui s’est construite au prix de la sueur, du sang versé et des larmes. En observant tous ces noms, en regardant fièrement notre bannière tricolore, en entonnant la Marseillaise, comme Charles Péguy, nous pouvons dire à la France : « Mère, voici vos fils, qui se sont tant battus ».
David BOIXIERE
Maire
Last modified: 18 novembre 2021